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Lettre à mon père…

Papa;

Il y a 5 ans je t’écrivais une lettre et puis au final j’ai tellement de choses à (te) dire. 15 ans que tu es parti, 15 ans c’est long, c’est peu, mais 15 ans j’ai l’impression que c’était hier, j’ai l’impression que c’était une éternité. Ce n’est pas facile de t’écrire, la communication a été un vrai problème entre nous. Si je t’écris c’est aussi pour rétablir la vérité, ma vérité, pas celle lue dans des éloges écrites par tes amis surement d’après ce que tu as voulu laisser transparaitre, ou arranger à ta manière. Et pourtant j’ai besoin que ma vérité soit entendue elle est tout autant légitime que la tienne, que celle dans la tête des gens. alimentée par tes dires.

Tu sais beaucoup de gens nous voyaient comme une famille unie, que tu étais un père aimant, un père responsable de ses enfants. Et pourtant…. Moi petite j’avais une peur bleue de toi, j’étais beaucoup chez mes grands-parents maternels pour je ne sais quelle raison officielle mais j’ai ma petite idée moi, mes frère étant avec toi et maman. Tu te rends compte de ce qu’il peut se passer dans la tête d’une petite fille qui a moins de 6 ans qui a passé ses premières années de vie loin du domicile parental? Heureusement que j’ai eu des grands-parents en or, qui ont été aimants, bienveillants, l’amour ils m’en ont donné énormément et c’est grâce à eux que j’ai pu me construire vraiment. Mais je me rends compte que j’ai une faille en moi, un sentiment d’abandon, un besoin d’amour insatiable quelque part, je me suis construite avec l’absence en fait.

Lorsque j’ai eu 6 ans j’ai commencé à faire du piano, c’est quelque chose que l’on aurait vraiment pu partager car tu étais un très bon pianiste et pourtant. Encore une fois tu as failli à ton rôle de m’aider, m’encourager, me faire progresser. Heureusement là encore j’ai eu monsieur Juris comme prof de piano, il était top, un amour, une douceur paternaliste et sa femme qui me donnait toujours un bonbon. J’en garde de très bons souvenirs. JE sais que toi tu partageais cette passion du piano avec ta mère, j’aurais pu la partager avec toi mais non. Tu n’écoutais jamais les progrès faits, malgré mes appels répétés à venir m’écouter. Quand on a déménagé que notre maison n’est plus devenue que la maison de campagne où on allait en week-end le piano je l’ai laissé dans cette grande maison car tu ne voulais pas le faire emmener, j’ai dû arrêter le piano. Mon refuge était encore plus dans les livres du coup, je passais mes moments libres à lire, à écouter de la musique. Puis est venu le moment du divorce je fais l’impasse sur la violence entre maman et toi dont j’ai été témoin, aussi bien verbale que physique. Que j’ai pu pleurer à ce moment là, que j’ai pu souffrir, que j’ai pu vous en vouloir mais vous étiez trop occupé à vous déchirer que de voir la souffrance de votre fille. Mes frères le soir dormant chez les grands parents juste en dessous de notre appartement ne voyaient rien de tout ça, moi j’ai été traumatisée. Déjà j’avais des parents peu présents, mais quand je vous voyais c’était la seconde guerre mondiale entre vous. Je vais aussi passer sur tous les appels que ta maitresse passait le jour, la nuit pour emmerder ma mère qui était malheureuse et me faire du mal à moi petite fille de 10 à peine pour me dire ton père n’était pas avec vous car c’est moi qui étais avec lui et puis elle raccrochait. Papa, j’avais 10 ans quoi! Comment as tu pu laisser faire ça? J’ai vu ma mère malheureuse, j’étais malheureuse, les histoires de grandes personnes j’aurais dû ne pas en être témoin. Je ne pouvais pas dire à quel point j’étais malheureuse, ma mère l’était déjà et tu sais bien qu’avec maman c’était compliqué, pour une simple raison c’est qu’elle aurait préféré avoir des garçons elle me l’a dit plein de fois depuis. J’ai pas demandé à naître moi, encore moins d’être une fille, bref je ne vais pas faire le procès de maman là. Lorsque tu es parti j’ai demandé de récupérer le piano puisque tu repartais vivre dans cette maison qui n’avait été plus que notre maison secondaire, tu n’as pas accédé à ma demande. Je rêvais depuis 2 ans de refaire du piano, tu as anéanti mon rêve de me remettre au piano.

Pendant longtemps je ne t’ai pas vu durant parfois des mois et des mois, tu avais refait ta vie avec une femme qui avait 2 filles, qui vivaient chez leur père mais par contre vous avez fait le tour du monde avec elles, alors que tu ne me prenais pas ne serait-ce qu’un jours entier moi, tu ne me faisais rien faire à part m’emmener quelques fois déjeuner chez ta mère ça devait être nos rendez-vous du mercredi et pourtant. Pourtant combien de fois tu m’as fait attendre des heures dans la rue seule, sous la pluie ou en plein cagnard et puis tu m’emmenais chez ta mère, tu t’endormais sur le fauteuil chez ta mère je faisais une partie de scrabble avec elle et on repartait tu me redéposais chez ma mère et là je ne savais jamais quand j’allais te revoir. Heureusement que Claude ton ami était là pour essayer de faire perdurer ce lien, autrement je ne t’aurais jamais revu. Mais lui n’a pas été là très longtemps ta nouvelle compagne n’a pas supporté ton amitié avec lui, elle devait tout choisir et toi comme une carpette tu te couchais sous ses ordres. Et pendant ce temps là je grandissais, tu loupais tout un tas de choses de ma vie. J’avais de l’endométriose (encore aujourd’hui) les seules fois que je te voyais c’était quand tu m’opérais.

Et les seuls appels c était pour notre anniversaire commun. Tu te rends compte de tout ce que tu as loupé, de tout ce mal que tu m’as fait de par ton absence? Tiens en parlant de notre anniversaire tu m’as invitée à venir manger chez toi, qui n’était plus vraiment chez moi depuis 10 ans. Tu avais du monde tu m’as mis ce jours là la table des enfants alors que j’avais 18 ans, que j’avais le droit aussi de ne plus me retrouver avec des gens de 10/15 ans de moins que moi, mais non tu m’as mise là de côté, à ne pas me regarder, ne pas savoir à quel point ce jour là était important pour moi. Et puis le coup de grâce tu as offert le piano, mon piano à Doriane ma nièce devant moi. J’avais tellement envie de pleurer mais je ne devais pas montrer ma tristesse alors j’ai rien dit, j’ai fait semblant de rien mais tu venais de me poignarder encore et encore. Tu m’as refusé MON PIANO et tu l’as offert à quelqu’un d’autre que moi. J’ai su que ce piano n’était même plus dans notre famille tu vois, je trouve ça tellement injuste. C’était mon piano mon cadeau à MOI et tu l’as donné. Depuis plus de 35 ans quand je vois un piano même si je ne sais plus du tout en jouer, je ne peux m’empêcher d’avoir le coeur serré, de le toucher, de jouer quelques notes de musique et mon rêve c’est vraiment d’apprendre à en jouer oui même à presque 47 ans.

Tu sais je vois tellement de filles qui adorent leur papa, tellement de femmes qui parlent de leur père comme d’un héros, de leur idole. Oui pour beaucoup tu es un héros, tu as révolutionné la chirurgie et ce dans le monde entier, mais tu étais ce héros à la française incompris et pourtant aujourd’hui on parle de toi, j’ai parlé de toi longuement avec une interne en chirurgie tu es sa référence….. Tu es LEUR HÉROS moi je voulais que tu sois tout simplement un père, mon père. JE ne m’exprime qu’en mon nom car depuis ton départ la famille a volé en éclat, je n’ai jamais revu ma soeur, je sais que sa fille va devenir maman mais là aussi je ne connaitrais surement jamais mon petit neveu ou ma petite nièce mais c’est ainsi. J’ai essayé de garder le contact avec Laurence mais elle n’a pas eu l’envie de garder ce lien, nous tes 2 filles au milieu de 4 garçons. Et mes frères…. Tu sais bien tout un tas de choses depuis tant d’années. J’ai cette impression d’être fille unique même si je suis restée en contact longtemps avec Bertrand mais lui aussi tu sais il a souffert de tout un tas de choses et les liens se sont distendus hélas. J’ai des enfants, que tu as peu connus et le petit dernier tu ne l’as jamais vu puisqu’il est arrivé après ta mort, il porte tes initiales. J’ai aussi heureusement un chouette coloc qui aime autant que toi jardiner (c’est son métier à lui je me marre des fois je dis si mon père me voyait aimer tout ce que j’ai planté), j’ai une super tante Chantal qui n’a jamais pris position entre maman et toi, elle a été lucide elle a vu plus que personne ma souffrance malgré que depuis des années son marie souffrait elle a été présente pour moi et je la remercie vraiment et des chouettes cousins et petits cousins/cousines du côté de maman, heureusement, ils sont la famille que j’ai et avec qui j’aime parler, ils sont quelque part ces racines qui me tiennent debout (1001 pensées pour Sylvain, Alexandre, leurs enfants leurs compagnes mais aussi à Florence etc…). Tiens la fille de ton frère, tu sais ta nièce Dominque a pris contact avec moi sur Instagram il y a quelques temps déjà et on apprend à se connaître car nous sommes 2 parfaites inconnues au final elle et moi même si nous avons du sang en commun, mais c’est chouette aussi d’avoir une grande cousine, on a pas de souvenirs en commun mais on s’en crée rien qu’à nous au fil du temps, on partage ensemble le goût de la cuisine, j’espère pouvoir me rendre chez elle un jour et passer du temps avec elle vraiment. Souffler, me ressourcer mais c’est pas chose aisée ton dernier petit fils étant en situation de handicap (plusieurs handicaps) je vis des choses pas simples, je survis depuis un certain nombre d’années, je manque cruellement de soutien, d’aide et de fric alors je fais du mieux que je peux, avec ce que j’ai, j’ai essayé de faire du mieux que j’ai pu à les élever seule à 100% sans aide du papa ou autre, j’ai donné l’amour dont j’ai manqué cruellement, je continuer à donner de ma présence car là aussi l’absence fut très dure à vivre, j’ai dû me construire avec cela et quand on vit avec l’absence, on crée un sentiment d’abandon qui me laisse sur un fil telle une équilibriste en permanence, je peux tomber à tout moment. Tout le temps à opérer, à soigner les gens, nuit et jour c’était du temps que tu consacrais aux gens mais pas à ta famille. Oui c’est bien ça tu es leur héros, pas le mien même si je suis fière de ce que tu as fait je ne le renie pas.

Voilà aujourd’hui ça fait 15 ans que tu es parti, 15 ans c’est rien ,c’est beaucoup, mais c’est aussi toute une vie où j’ai souffert par ton manquement de de tes obligations en tant que père. Je me réfugie depuis plus de 40 ans dans la musique et dans les livres. Aujourd’hui j’ai décidé de m’offre un petit clavier pour apprendre seule le piano même si je sais que ça ne remplacera jamais un vrai piano mais je n’ai absolument pas les moyens de m’offrir un piano, je survis à peine financièrement, je fais passer mes enfants avant tout. Mais on m’a dit que c’était dangereux, que je me suis perdue et que je dois me retrouver pour continuer. Depuis quelques jours c’est difficile, je ne vais pas très bien, j’ai l’impression d’avoir tout raté. Alors oui je vais écouter ces gens qui me disent de penser à moi un peu, de me faire des plaisirs. (Si quelqu’un veut m’aider pour mon clavier ou autre chose je ne suis pas contre un petit coup de main, je peux donner mon compte paypal faut me demander, je ne demande rien je propose et on m’a dit souvent de demander ou ce qui pourrait me faire plaisir alors oui j’ai 1001 envies que je ne peux réaliser faute de moyens). Le clavier sera une certaine revanche sur des années de souffrance, sera un autre moyen d’avancer, de faire un pied de nez à cette vie qui a été si peu conciliante avec moi…..

Papa je dois avancer mais je n’y arrive plus, je dois me construire et pas me reconstruire, j’ai rêvé beaucoup de toi ces derniers jours, la date fatidique sans doute, l’envie de jouer du piano aussi, de voir des familles unies en plus. Tu as été ce héros mais qui a tant manqué à une petite fille, à une adolescente à une jeune femme et à une mère de famille. Tu m’as fait souffrir et j’ai le droit de te le dire, j’ai le droit de crier que j’ai souffert de par ton absence, de tes actions contre moi, pendant longtemps j’ai essayé d’avancer de pardonner, mais toi avais tu le droit de faillir à tes obligations? Avais tu le droit de me faire tant de mal? Non alors aujourd’hui j’avance à tâtons comme on dit, je suis toujours autant équilibriste mais je vais gagner en sureté j’espère, je vais gagner en confiance en moi car oui on me le fait remarquer mais élever 3 enfants toute seule à 100% c’est pas rien, oui c’est du job, j’en ai versé des larmes car perdue entre le moi de cette petite fille manquant terriblement d’amour et le moi de cette maman avec le coeur débordant d’amour pour mes enfants. Je me suis plantée souvent, mais j’ai fait comme j’ai pu et surtout mes enfants ne pourront pas me reprocher mon absence ils peuvent me reprocher le manque d’argent, une galère financière énorme mais pas mon absence puisque j’ai donné ma vie pour être là auprès d’eux….

Papa, je ne sais pas où tu es, je ne sais pas si tu ressens ce que je ressens dans mon coeur mais il fallait que ces mots et maux sortent. Je vais essayer de me faire plaisir désormais, de penser un peu à moi, à 3 ans de mes 50 ans il serait temps un peu non.

Ciao papa….

Ta fille qui restera quelque part toujours ta petite fille même si tu n’as pas su pas voulu le voir.

Maud

11 réflexions au sujet de “Lettre à mon père…”

  1. Tu te livres en un écrit très fort avec un style qui l’est tout autant. Difficile de commenter, juste l’enfant en souffrance, cette souffrance qui passait inaperçu et que tu gardes en toi encore aujourd’hui. Nous avons ce point : devoir toujours se battre pour garder la tête hors de l’eau alors qu’une main invisible appuie sans cesse dessus. La différence, je n’ai pas connu le Père ni Mère mais je réalise la difficulté à se construire sereinement. Et puis ce Piano qui devient un vrai personnage de ton histoire, l’image est très forte. Tu devrais écrire sur ce rapport que tu as avec les Touches, tes mains qui en caressent le bois, les regrets de n’avoir pas pu aller jusqu’au de l’apprentissage de ta passion que ton Père t’a refusé. C’est beau et violent à la fois cette amour pour lui, le Piano… Vraiment beau et violent à la fois… Et que le beau persiste en toi. Tu trouveras un jour ton Piano… Ervé

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  2. Très beau texte Maud, le mots me manquent pour commenter vraiment, on ressent tellement le manque et la souffrance.
    On en veut toujours à ses parents, d’une façon ou d’une autre, je pense, mais toi oui, il me semble que tu as une vraie bonne raison de lui en vouloir.
    Certaines choses que tu partages ici apparaissent sou un nouveau jour via ce prisme.
    Je te souhaite de la paix et de continuer du mieux que tu peux, avec le soutien précieux à tes côtés.
    A bientôt.

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  3. Quel beau texte. Il est si triste que ce héros pour tous, celui a a sauvé et sauve encore tant de vies par son héritage médical, ce mentor et cette légende…n’ai pas été ton héros à toi, ton père tout simplement.

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  4. Coucou Maud, je viens de lire cette lettre à ton père et elle me bouleverse au plus haut point. Je comprend mieux ton hypersensibilité, un certain mal être et je peux te dire a quel point je te trouve forte et courageuse. Tu as tout mon soutien. Christophe.

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